La fillette portait un chandail rouge. Elle s’était momentanément assise sur le muret de brique. Derrière elle, une couronne mortuaire rouge et blanche était accrochée au balcon de la chambre 306. Un homme est tombé sous les balles sur ce même balcon il y a plus de 40 ans; Martin Luther King junior. Le motel est demeuré ainsi figé dans le temps comme une cicatrice ayant blanchi au fil des ans.
La petite a suivi ses parents et est entrée dans l’histoire. On y racontait que ses ancêtres étaient arrivés en Amérique comme esclaves. Elle ne comprenait pas tout à fait ce que cela voulait dire, mais sentait bien que c’était lié à la couleur de la peau, sa peau. Le musée était bondé, mais étrangement, peu de gens parlaient. On déambulait d’une pièce à l’autre en remontant le temps rempli de souffrances, mais aussi de luttes et d’espoir.
Ses parents prenaient le temps de s’arrêter et d’attirer son attention comme devant cette photo d’Elizabeth Freeman, une esclave de la Nouvelle-Angleterre ayant réussi à obtenir son affranchissement en 1781 et ayant même pu se voir octroyer une compensation pour son travail.
La fillette s’est même assise spontanément à un comptoir de restaurant représentant le mouvement de sit-ins. Dans les années 60, on aurait refusé de lui servir ce milkshake au chocolat qu’elle aime tant. Elle monta aussi à bord de l’autobus et alla s’assoir à l’avant sans hésiter en compagnie de Rosa Park.
Elle voyait sur les murs des gens de sa couleur manifester, chanter, se regrouper, dénoncer, revendiquer et gagner. Puis, devoir recommencer...
Elle lut sur la grille d’une porte ces mots de M. King: «I may not get there with you but I want you to know that we as a people will get to the promised land» (April, 3rd 1968). Sans doute, avait-il le pressentiment de ce qui allait advenir.
La fillette se dit alors que cet homme finalement portait bien son nom: King. Un roi venu parler du haut d’un balcon du Motel Lorraine pour montrer la voie à suivre le jour où il ne sera plus là. Sans doute serait-il étonné lui-même aujourd'hui de constater que la terre promise, elle a été brûlée.
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